• La Sebastiana (par Gab)

     

    La Sebastiana

     

    Dans le dédale des rues de Valparaiso se trouve la maison du poète Pablo Neruda, prix Nobel de littérature en 1971, excentrique rêveur.

    Entrant dans sa surprenante maison bateau à la haute façade multicolore nous enchainons les escaliers étroits qui nous mènent chacun dans des lieux insolites, gorgés d’histoire et d’amusantes anecdotes.

    Nous arrêtant au salon, nous admirons l’océan qui s’offre à nous, comprenant aussitôt la raison de l’amour qu’avait Neruda pour sa Sebastiana à laquelle il dédiât même un poème. La pièce est remplie d’objets divers, qui étonnamment, forment un tout harmonieux et chaleureux. Au dernier étage, enfin, nous apprenons, sans surprise, que Neruda était un collectionneur acharné, prêt à tout pour garnir sa demeure des plus étranges objets, pour composer en paix, contemplant l’océan.

    La Sebastiana :

    In the tortuous streets of Valparaiso, hidden behind small shops, stands the colorful boat style house of Pablo Neruda, the renowned poet. Intrigued by the house’s narrow stairs and the abundance of various objects in the small rooms we admire the plunging view of the Ocean offered to us. At the top floor, we are told about Neruda’s passion for antique objects. We even see the poem he wrote to his Sebastiana, small house for a great poet.

                                                                                                           Gabriel

     

                      “A la Sebastiana” (Pablo Neruda)

    J'ai construit la maison. Pour l'entreprendre, je n'avais que de l'air. J'ai donc commencé par hisser le drapeau et je l'ai accroché au firmament, à l'étoile, au jour et à la nuit.

    Le ciment, le fer, le verre étaient choses fabuleuses, plus chères que le blé et comme de l'or ; il fallait rechercher, il fallait vendre, après quoi un camion arriva qui déchargea des sacs et encore des sacs. La tour s'enracina dans la terre ferme - mais cela ne suffit pas, dit le constructeur, il manque encore du fer et du ciment, du verre, des portes - et je n'ai pas dormi de la nuit.

    Pourtant, la maison grandissait et grandissaient les fenêtres, encore un peu d'effort, un coup de main au papier, au travail, un coup d'épaule et de genoux- et la maison monterait jusqu' à son existence, jusqu'à pouvoir regarder par la fenêtre ; il semblait bien qu'elle finirait - à force de tant de sacs - par avoir une toiture et par atteindre le drapeau dont les couleurs pendaient toujours du ciel.

    Je me mis à la recherche des portes les moins coûteuses, celles qui avaient cessé de vivre et qu'on avait chassé de leurs maisons, portes sans murs,cassées, entassées dans les démolitions, portes privées de leur mémoire et du souvenir de leur clef. Je leur ai dit :"Venez à moi, portes perdues : Je vous donnerai maison et mur et main qui frappe, vous oscillerez encore, élargissant le souffle, vous garderez le sommeil de Matilde  à l'abri de vos ailes qui ont tant battu." Puis ce fut la peinture qui débarqua, léchant les cloisons, les revêtant de rose et bleu ciel pour qu'elles se mettent à danser. Ainsi toute la tour danse et chantent les portes et l'escalier, et la maison atteint déjà le mât - mais l'argent fait encore défaut : il manque encore des clous, des serrures, des verrous,du marbre - et cependant, la maison continue de s'élever, il s'y passe quelque chose, une sorte de battement circule dans ses artères : peut-être quelque scie qui flotte à l'intérieur comme un poison dans l'eau des rêves ou un marteau qui tape, comme un condor sournois et charpentier, sur les planches de sapin que nous foulerons bientôt.

    Quelque chose se passe et la vie continue. La maison grandit et elle parle, elle se tient sur ses jambes, du linge est étendu sur un échafaudage, et puisque sur la mer l'avancée du printemps, nageant telle une naïade, vient caresser le sable de Valparaíso, n'y pensons plus : la maison, c'est celle-ci. A présent, tout ce qui lui manque sera bleu, ce dont elle a besoin c'est de fleurir.

     

    Et cela, c'est le travail du printemps.

     


  • Commentaires

    1
    jo
    Samedi 4 Octobre 2014 à 19:00
    Bravo à toi Gab , qui décrit si bien les lieux qu'on pénètre dans cette maison avec toi , et on s'en imprègne comme toi. Bravo aussi pour ta traduction juste et concise !
    Quant aux photos ( de maman je pense ?) , elles pourraient tout à fait figurer dans un super guide .
    Merci à celui de vous qui a eu la bonne idée d'ajouter ce poème de Neruda : un régal !

    Besos a cada uno ,

    Jo-Mütti
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    2
    Samedi 4 Octobre 2014 à 23:20

    Chère Jo,

    Gab est ravi de vos commentaires. L'idée du poème est bien de lui également !

    On vous embrasse tous

     

    Les 4 R

    3
    Nat
    Jeudi 9 Octobre 2014 à 09:30

    Décidément, nous découvrons de beaux talents chez chacun d'entre vous, Bravo Gab !

    Quelle visite ! Tu nous la fais vivre avec émotion. Merci, merci... 

    Bon choix que de prendre le grand Neruda comme mentor !

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